Depuis le 15 février 2021, la jeune entreprise Le CyD loue un espace technique sur la plateforme pour développer un matériau polymère supramoléculaire réutilisable à l’infini.
A l’origine de cette invention, Philippe Coronel alors chercheur spécialisé dans les nanomatériaux pour l’énergie au CEA LITEN, mène une réflexion sur les connections entre la science et ses usages. Particulièrement sensible aux questions environnementales et à la notion de durabilité, il s’intéresse notamment aux travaux du MIT sur les technologies 4D, des matériaux préprogrammés capables de changer de forme au cours de leur vie et pouvant ainsi remplir plusieurs fonctions. L’idée d’un nouveau matériau transformable à volonté mûrit dans son esprit, accompagnée du rêve d’un futur dans lequel la courbe de croissance du plastique s’infléchirait. Lorsqu’en 2015 il rencontre Lionel Picard, chimiste polymériste au CEA, la réflexion entre les deux chercheurs donne forme au projet : « Il nous faudrait un matériau qui puisse être travaillé chez soi facilement, un matériau multitâches capable de remplir plusieurs fonctions au cours de sa vie, peu gourmand en énergie pour sa fabrication et sa mise en forme, un matériau minimaliste, réutilisable à l’infini, qui fasse appel à la créativité de tout un chacun et ne devienne jamais un déchet. » Imagine and do it yourself!
Une synthèse simple et originale pour un matériau aux propriétés inédites
Lionel a déjà en tête plusieurs molécules qui pourraient remplir ce cahier des charges. Il s’inspire des propriétés d’auto-association de l’ADN et de ses précédents travaux sur la chimie des polyuréthanes pour imaginer un motif original constitué de deux briques élémentaires d’ureidopyrimidinone (un dérivé de la cytosine, l’un des éléments constitutifs de l’ADN), greffées à chaque extrémité d’un polymère de type polyuréthane. En mélange, ces motifs tri-blocs tous identiques s’associent les uns aux autres par des liaisons hydrogène se formant spontanément entre leurs extrémités, produisant ainsi de longues chaînes moléculaires. A un deuxième niveau, ces chaînes se structurent en un réseau tridimensionnel sous l’effet de forces de van der Waals agissant entre les molécules de polyuréthane. Lionel teste plusieurs configurations et différentes molécules pour trouver le meilleur compromis entre facilité de mise en œuvre, coût de la synthèse, possibilité de changement d’échelle, et propriétés du matériau final. Après quelques mois d’essais, un matériau sort de ses béchers : à 25°C, il se comporte comme un plastique, rigide, résistant, imperméable, dès 60°C il devient modelable à la main, vers 80°C il adhère sur des surfaces, au-delà de 100°C on peut le mouler, et autour de 150°C il est liquide. YuPi1 est né, et son procédé de fabrication breveté. L’Open Innovation Center du CEA en association avec l’Hexagone de Meylan offre une première vitrine à YuPi dans le cadre d’un partenariat entre scientifiques et artistes. Le collectif TOAST s’empare de ce matériau original, et présente ses créations au Centre Pompidou à Paris. En 2020, le salon Experimenta donne l’occasion à Philippe et Lionel d’échanger largement avec le public autour de la philosophie de leur matériau, de ses usages et de son avenir dans notre quotidien.
Le CyD : Custom your Design
En 2020, Philippe crée l’entreprise qu’il baptise Le CyD pour Custom your Design. L’objectif est d’abord de passer à l’échelle supérieure en fabriquant des quantités plus importantes de matériau pour prototyper des démonstrateurs et convaincre divers marchés de la pertinence du concept : « Yupi sera à la fois le matériau et l’emballage, il permettra de fabriquer soi-même son objet, de le faire évoluer, de le personnaliser - c’est ce que l’on appelle un produit ou un usage lié - il ne créera ni chute ni déchet, se réparera facilement et pourra être réutilisé. Dans le domaine du sport, du jeu, de la décoration d’intérieur ou de l’habitat, nous avons imaginé créer des tutoriels qui expliqueront comment fabriquer des objets à partir de YuPi, comment les customiser en y intégrant différentes fonctions comme des leds, des capteurs ou des puces électroniques pour les rendre interactifs par exemple, et également comment remodeler le matériau pour renouveler son usage en fabriquant d'autres objets, afin que la solution de jeter le produit ne soit jamais envisagée. Bien sûr, ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg, car le reste sera issu de l’imagination et de la créativité de chacun. »
Développer des liens avec la recherche pour construire l'avenir du CyD
Lionel et Philippe installent leurs équipements de chimie sur PEI et visent un premier changement d’échelle cette année qui doit leur permettre de fabriquer environ un kilo de matériau en une seule synthèse. Ils souhaitent établir des liens avec les laboratoires du site pour mieux comprendre les changements de comportement mécanique de leur matériau avec la température, et pouvoir effectuer des modifications chimiques permettant d’obtenir d’autres propriétés et d’autres fonctionnalités. Ils envisagent également des collaborations autour des procédés de mise en forme, en particulier l’impression 3D, et cherchent des solutions de customisation des objets, avec notamment une réflexion sur les encres et les papiers à utiliser pour rester dans la philosophie du CyD qui souhaite favoriser des produits non polluants et réutilisables. Des connexions avec le domaine du « design » seront une plus-value pour l’avenir du CyD.
1 Du nom de l’ureidopyrimidinone, abréviée généralement UPy par les chimistes
Contact
Philippe Coronel
philippe.coronel(at)lecyd.fr
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